Retraite, service civil de deux ans, objecteur de conscience

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Posté le Le 06/11/2013 à 05:25
J'ai effectué un service civil de deux ans de 1975 a 1977 en tant qu'objecteur de conscience. Cette période n'est pas prise en compte dans le calcul de ma demande de retraite fonctionnaire chez France Telecom. L'argument avancé est l'application de la loi n°83-605 du 8 Juillet 1983 non rétroactive. Cette discrimination aurait été toutefois corrigée par le Conseil d'Etat dans sa décision n°278041 du 10 Mai 2006 en référence au jugement rendu le 7 Mai 2003 par le Tribunal Administratif de Nantes
J'ai fait une requete auprès de France Telecom mais je n'ai pas de réponse
Quelle procédure dois-je envisager ?
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Posté le Le 06/11/2013 à 05:25
Cher monsieur,

Citation :
J'ai effectué un service civil de deux ans de 1975 a 1977 en tant qu'objecteur de conscience. Cette période n'est pas prise en compte dans le calcul de ma demande de retraite fonctionnaire chez France Telecom. L'argument avancé est l'application de la loi n°83-605 du 8 Juillet 1983 non rétroactive. Cette discrimination aurait été toutefois corrigée par le Conseil d'Etat dans sa décision n°278041 du 10 Mai 2006 en référence au jugement rendu le 7 Mai 2003 par le Tribunal Administratif de Nantes
J'ai fait une requete auprès de France Telecom mais je n'ai pas de réponse
Quelle procédure dois-je envisager ?


IL faut savoir que votre problème est très complexe et a fait l'objet de nombreux débats. En effet, en l'état actuel du Droit, les périodes passées dans le service civile ne doivent normalement pas être prises en compte dans le décompte des annuités pour l'ouverture du droit à la retraite.

En effet, La loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national avait confirmé que les années passées en tant qu'objecteur de conscience ne comptaient pas dans les annuités pour la retraite.

La loi de 1983 est venu supprimer cette disposition discriminatoire mais comme vous le mentionnez, cette loi était non rétroactive.

Dès lors, d'un point de vue légal, ces annuités n'ont pasà être prises en compte.

L'arrêt du 10 mai 2006 du CE auquel vous faites référence doit être pris avec grande précaution. En effet, ,il faut savoir que dans cet arrêt, le CE a donné raison au requérant, non parce qu'il avait eu raison sur le fond mais parce que dans cette affaire, il y a eu une subtilité procédurale qui a fait que le CE était obligé de donner raison au requérant. Je vous passe les détails, c'est plus que compliqué.


Reste à savoir si le régime de défaveur est contraire aux conventions internationales, notamment la CEDH en ce qui concerne la protection de la liberté de conscience et la protection de la non discrimination. C'est là encore un lourd débat.
Vous pouvez tout à fait attaquer la décision de refus de votre ministère sur le fondement du recours pour excès de pouvoir mais cela risque d'être très long, surtout s'il vous faut aller devant la Cour européenne des droits de l'homme.
En tout état de cause, il vous faudra un avocat spécialisé.

Je vous transmet à ce titre, un excellent article rédigé par un professeur de Droit sur le statut des objecteurs de conscience et leur régularité par rapport à la CEDH.




Citation :
L'impact du statut d' objecteur de conscience sur la retraite et la carrière des fonctionnaires

Philippe Soubirous, Chargé de cours, faculté Jean Monnet - Sceaux


L'essentiel
En l'état actuel du droit les périodes de service civil effectué par les objecteurs de conscience avant 1983 ne peuvent être prises en compte ni pour l'avancement, ni pour la retraite. Les intéressés arrivant à l'âge de faire valoir leurs droits à pension, la question de la compatibilité de ce système avec un certain nombre de conventions internationales peut être posée.



Depuis la loi du 21 août 2003, la liquidation de la pension de retraite des fonctionnaires tient compte, non plus seulement du nombre d'annuités découlant de l'ancienneté générale des services, mais également de la durée d'assurance, c'est-à-dire de la période pendant laquelle l'agent a cotisé tous secteurs d'activité, privé ou public, confondus. Chaque année validée compte d'autant plus qu'en cas de durée d'assurance inférieure à celle requise pour une retraite à taux plein (40 ans en 2012), une décote du montant de la pension est appliquée.

Pour les fonctionnaires hommes qui, jusqu'en 2001, étaient dans l'obligation d'accomplir le service national militaire, le temps passé à ce titre est validé comme une année travaillée, selon une disposition introduite par la loi n° 65-550 du 9 juillet 1965 relative au recrutement en vue de l'accomplissement du service national : « Le temps de service national actif, quelle que soit la forme de ce dernier, est compté, dans la fonction publique, pour sa durée effective dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour l'avancement et pour la retraite, à condition que sa durée n'ait pas été inférieure à un an ».

Certains jeunes gens aptes à la mobilisation, mais opposés par conviction au port des armes, choisirent le statut d' objecteur de conscience instauré par la loi du 21 décembre 1963. Dispensés du service militaire, ils n'en étaient pas moins contraints d'effectuer un service civil d'intérêt général deux fois plus long que la durée en vigueur du service national.

Très tôt s'est posée la question de la combinaison de ces deux textes pour la liquidation des droits à pension civile de retraite. La période passée en tant qu' objecteur de conscience devait-elle être validée et, si oui, dans quelle proportion ?Note de bas de page(1)

La loi n° 71-424 du 10 juin 1971 portant code du service national a confirmé par ses articles 41 et suivants, le statut des objecteurs de conscience ; elle a clairement écarté, dans son article 63, la prise en compte du temps passé pour cette forme particulière de service national. Puis la loi n° 83-605 du 8 juillet 1983 est venue clore ce débat en faisant du service accompli par les objecteurs de conscience, une des formes du service national (art. 63 C. serv. nat.), mais le contentieux s'est poursuivi (TA Montpellier 26 févr. 1988, Boulbes c/ Ministre de l'Education nationale, n° 8514545, sur l'application de la loi de 1971, absence de rétroactivité de la loi de 1983 et TA Nice 30 janv. 2004, Savagnac c/ Ministre de l'Education nationale, n° 9903982, sur l'application des lois de 1963 et 1965, absence de rétroactivité de la loi de 1983). La cause en est que la génération arrivant aujourd'hui à la retraite a rempli ses obligations de service national avant l'empire de cette loi qui a étendu aux objecteurs de conscience l'avantage dont ils étaient privés.

Dans un arrêt du 10 mai 2006 (req. n° 278041), le Conseil d'Etat a examiné le cas de M. C., qui a servi comme objecteur de conscience du 1er juin 1976 au 31 mai 1978, soit pendant deux années. Il a demandé la prise en compte de cette période pour la détermination de ses droits à l'avancement et à la retraite, ce qui lui a été refusé par le ministère de l'Education nationale, sauf pour les trois jours de service national (dites journées de sélection). Le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande de reclassement, mais en prenant seulement en compte « une année au titre des services accomplis comme objecteur de conscience » équivalent à la durée du service militaire. Cette annulation de la décision du ministre se fondait sur l'inconventionnalité des dispositions de la loi du 10 juin 1971 au regard des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (Conv. EDH), lesquelles reconnaissent « la liberté de conscience et la liberté de manifester ses convictions » (art. 9) et que « la jouissance des droits reconnus dans la présente Convention doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur [...] les opinions politiques ou tous autres opinions » (art. 14). Pour le juge nantais ? « l'accomplissement de l'obligation du service national en qualité d' objecteur de conscience relève de la liberté de conscience ; (et qu') en traitant différemment dans la Fonction publique les agents ayant effectué leur service national en tant qu' objecteurs de conscience et ceux l'ayant effectué sous d'autres formes, la loi [...] a méconnu ces stipulations ». La cour administrative d'appel de Nantes avait débouté M. C. de son appel partiel visant à obtenir la validation de l'intégralité des deux années de sa période de service. Cet arrêt est annulé au terme d'un paradoxe procédural qui a conduit le Conseil d'Etat à constater l'autorité de la chose jugée d'une partie du jugement du tribunal administratif de Nantes alors qu'elle s'avérait incontestablement contraire à la loi et qu'elle l'obligeait, au gré de l'effet mécanique de son annulation, à prononcer une décision favorable au requérant, mais visiblement à l'opposé de l'analyse juridique du sujet par la Haute juridiction.

Au-delà des aléas et des vicissitudes des raisonnements juridiques, fussent-ils justes, il nous paraît intéressant de tenter d'apporter une solution de droit à la question de fond. Fallait-il prendre en compte le service national de M. C. en tant qu' objecteur de conscience ? Et, si oui, dans quelle mesure ?

Pour pouvoir y répondre, il convient d'examiner les deux questions présentées au soutien de la demande.

- L'objection de conscience est-elle un droit particulièrement protégé ?

- Le statut des objecteurs de conscience français respecte-il les droits de l'homme ?

L'objection de conscience est-elle un droit particulièrement protégé ?
L'objection de conscience figure parmi les questions traitées par les textes juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme. Ainsi, l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 reprenant l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 garantit le droit à la liberté de religion et de conviction, mais ne dispose pas expressément que l'objection de conscience au service militaire relève du droit à la liberté de conscience et de religion (rapport du Haut commissariat aux droits de l'homme 16 févr. 2004, E/CN.4/2004/55). Toutefois, le comité des droits de l'homme a formulé des recommandations aux états parties pour qu'ils la reconnaissent sans discrimination, en rappelant que « les objecteurs de conscience [doivent pouvoir] opter pour un service civil dont la durée ne soit pas discriminatoire par rapport à celle du service militaire, conformément aux articles 18 et 26 du Pacte » (Georgia, official records of the General Assembly, 57e session, suppl. n° 40, A157/40, vol. 1, § 78).

L'article 9 de la Conv. EDH protège le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, en ajoutant que « le pacifisme entre dans le domaine d'application du droit à la liberté de conscience [...] ». L'attitude du pacifiste peut donc être considérée comme une conviction protégée par l'article 9 § 1 (Commission EDH 16 mai 1977, Arrowsmith c/ Royaume-Uni, n° 7050/75, rapp. 12, oct. 1979, DR 19, p. 5 : 49). Mais ce sont les stipulations du paragraphe 3 de l'article 4 qui, dans leur application jurisprudentielle, traitent de l'objection de conscience. Ainsi, dans l'affaire Grandrath (n° 2299/64), la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que : « N'est pas considéré comme un travail forcé et obligatoire [au sens de l'article 4 § 3] tout service de caractère militaire ou, dans le cas d' objecteurs de conscience dans les pays où l'objection de conscience est reconnue comme légitime, un autre service à la place du service militaire obligatoire ». Dans une autre affaire Objecteur de conscience c/ Danemark (CEDH 7 mars 1977, n° 7565/76), cette position a été confirmée au renfort de l'article 14 traitant de la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention duquel il ressort que l'interdiction des discriminations se limite à la jouissance des droits. L'objection de conscience ne figurant pas au nombre des droits et libertés garantis par la Conv. EDH, les requérants n'étaient pas recevables à réclamer le paiement d'une solde d'un certain montant ou à une égalité de solde avec les militaires.

On ne peut s'empêcher de s'interroger sur l'adéquation de ces décisions négatives pour les objecteurs de conscience avec, d'une part, la résolution 1993/84 de la Commission des droits de l'homme qui a affirmé que cette forme de service de remplacement « ne devait pas avoir le caractère d'une sanction » et, d'autre part, la recommandation du comité des ministres du Conseil de l'Europe (n° R [87] 8 du 9 avr. 1987) concernant l'objection de conscience au service militaire obligatoire : « Le service militaire de remplacement ne doit pas revêtir le caractère d'une punition. Sa durée doit rester, par rapport à celle du service militaire, dans les limites du raisonnable ».

Dans le même sens, l'égalité sur le plan du droit social et financier, l'objecteur « doit avoir des droits similaires à ceux de la personne soumise au service militaire, tant sur le plan social que pécuniaire » (Résol. 337 du 26 janv. 1967, 22e séance de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe § C-2 ; reprise par la recommandation 816 du 7 oct. 1987, 10e séance, avis n° 132 sur l'objection de conscience du 30 janv. 1987, 28e séance). L'analyse qu'en a fait la Commission des droits de l'homme de l'ONU dans son rapport du Haut commissariat aux droits de l'homme relatif aux droits civils et politiques, notamment à propos de la question de l'objection de conscience au service militaire (ONU, CES, E/CN 4/2004/55, 16 févr. 2004) se conclut par l'affirmation que, pour une pratique optimale de ce droit, « il ne doit y avoir aucune distinction entre les objecteurs de conscience, en ce qui concerne les conditions ou modalités de service ou aucun de leurs droits économiques, sociaux ou culturels, civils ou politiques ». Rappelons que l'article 12 de la loi de 1963 (supprimé par la loi de 1971) prévoyait l'intervention d'un règlement d'administration publique pour interdire l'accès des objecteurs à certains emplois ; ce décret n'est jamais paru.

Comment, dès lors, apprécier la persistance, jusqu'en 1983, du doublement de la période de service national avec atteinte aux droits à la retraite et à la carrière qui continue de produire ses effets, si ce n'est au regard de l'autonomie des Etats dans l'exécution des conventions internationales au caractère plus incitatif que contraignant.

Le statut des objecteurs de conscience français respecte-il les droits de l'homme ?
Ainsi, au regard des préventions et recommandations internationales protégeant les droits de l'homme l'objection de conscience apparaît comme une faveur accordée au bénéfice de la liberté d'opinion dont le coût immédiat ou différé n'existerait qu'à des fins dissuasives. Notre droit interne paraît s'être inscrit dans cette vision.

Une faveur accordée au bénéfice de la liberté d'opinion
Ni le Pacte de 1966, ni la Conv. EDH ne font figurer l'objection de conscience au nombre des droits et libertés garantis. L'examen des décisions rendues dans le cadre du contentieux de l'objection de conscience le confirme puisque le juge national s'est constamment fondé sur ces motifs pour écarter la référence à un droit supranational qui s'imposerait pour consacrer la faculté d'en réglementer l'exercice aux états qui l'ont reconnue.

Dans plusieurs arrêts (not. CE 3 nov. 2003, M. X., req. n° 239559), le Conseil d'Etat a rappelé que les dispositions de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne sont invocables que par les personnes qui soutiennent qu'elles sont victimes d'une discrimination au regard de l'un des droits civils et politiques reconnus par le pacte ; puis constatant que le droit à l'objection de conscience n'est pas au nombre de ceux-ci, il en a déduit fort logiquement qu'en l'absence de droit aucune contravention ne pouvait être relevée.

Parallèlement les requérants ont tenté de s'appuyer sur le § 4 de l'article 5 du protocole facultatif se rapportant au Pacte internationalNote de bas de page(2), aux termes duquel le comité des droits de l'homme fait part de ses constatations à l'Etat, partie intéressée et au particulier. Pour les magistrats du Palais-Royal, les constatations ne valent pas injonctions mais plutôt recommandations. Il s'ensuit donc que même si le comité a jugé les dispositions législatives relatives à la durée de service imposée aux objecteurs de conscience contraire à l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques, ces constatations ne revêtent pas de caractère contraignant à l'égard de l'Etat auxquels elles sont adressées (CE Ord. 11 oct. 2001, M. Hauchemaille, Lebon 460Document InterRevues).

Il découle du caractère incitatif des recommandations du comité des droits de l'homme que les Etats ont la faculté de vérifier la sincérité de la motivation du demandeur notamment en fixant les conditions d'ouverture du droit à l'objection de conscience et en exigeant qu'il manifeste son choix avant de satisfaire à l'obligation d'effectuer son service national.

La question de la durée du service national des objecteurs de conscience s'est trouvée rapidement au centre des critiques faites au statut de 1963. Les objecteurs « sont astreints à une durée de service effectif égale à deux fois celle accomplie par la fraction de classe à laquelle ils appartiennent » (loi de 1963, art. 8) ; en fait, jusqu'à la réforme du code du service national du 10 juin 1971, la durée normale du service militaire étant de 18 mois, les objecteurs effectuent un service civil non pas de 36 mois comme prévu par leur statut, mais de 32 mois ; en 1971, le service militaire est ramené à une durée de 12 mois, et le service civil des objecteurs passe à 24 mois soit le double, comme prévu par leur statut.

Pourquoi les objecteurs étaient-ils astreints à un temps de service double pour obtenir l'équivalence avec le service militaire ? A cette question, aucune réponse précise de la loi. L'objectif principal du législateur était de décourager les faux objecteurs, et de réserver un statut dérogatoire aux objecteurs « sincères ». L'opinion devait se mériter. Cette raison a été reprise par le juge du Conseil d'Etat lequel a retenu deux arguments pour justifier le doublement des obligations au service national : d'une part, les modalités respectives d'exercice de chaque type de service et, d'autre part, l'objectif du législateur visant, par l'institution d'une différence de durée, à s'assurer indirectement de la sincérité des motifs qui animent l' objecteur de conscience (CE Ord. 11 oct. 2001, préc.). De la sorte les écarts qui subsistent entre les durées des différentes formes de service national ne méconnaissent pas le principe d'égalité (ibid.). La Haute juridiction a tranché dans le même sens à propos du maintien sous les obligations du service national de certains objecteurs de conscience au-delà du 30 novembre 2001 date d'extinction du service dans le cadre du décret du 28 août 2001 relatif à la libération anticipée des formes civiles du service national (CE 3 nov. 2003, M. X., préc.). Demeure sur ce point une grande interrogation : celle de savoir ce que recouvre la notion de modalités respectives d'exercice de chaque type de service ; le service militaire générerait-il plus de pénibilité que le service civil ?Note de bas de page(3)

Le statut d' objecteur de conscience ne pouvait pas être obtenu à n'importe quel moment. Le code du service national (art. L. 116-2) dispose que la demande d'admission au bénéfice du statut d' objecteur de conscience ne peut être présentée qu'avant l'incorporation ou après l'accomplissement des obligations du service national actif et de la disponibilité (CE 8 juin 1990, Mme Chardonneau, Lebon 146Document InterRevues). Plus précisément l'article 2 du statut de 1963 précisait qu'elle devait être « adressée dans un délai de quinze jours à compter de la publication du décret portant appel du contingent auquel appartient l'intéressé ». Mais un délai de dix ans était prévu pour les objecteurs qui auraient décidé de revenir sur leur choix et sollicité d'être incorporés (art. 5 et 9).

A titre de comparaison, en Allemagne, le refus de porter les armes pour raisons de conscience personnelle a fait l'objet, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, d'une réglementation plus généreuse. L'article 4 § 3 de la loi fondamentale, énonce que : « Personne ne peut être amené à porter les armes contre son gré [...] ». La possibilité de refuser le service militaire apparaît comme un droit inaliénable et élémentaire des personnes ; n'importe qui peut, à tout moment de sa vie, et donc pendant son service militaire, se déclarer objecteur. Le traumatisme de la guerre expliquerait cela.

L'obtention du statut d' objecteur de conscience, déjà limitée par les motifs acceptés par les pouvoirs publics et par un délai des plus courts pour former une demande, est encore compliquée par l'examen de celle-ci par une commission juridictionnelle composée d'« un magistrat de l'ordre judiciaire, hors hiérarchie, président, désigné par le garde des Sceaux, ministre de la Justice ; trois officiers désignés par le ministre des Armées ; trois personnalités désignées par le Premier ministre » (art. 3 de la loi de 1963). Le choix d'effectuer un service civil pouvait apparaître, en soi, comme un gage suffisant de sincérité ; ne serait-ce qu'au regard de sa durée. La raison de ce contrôle est autre. En effet, du point de vue légal, il est alors nécessaire de contrôler le bien-fondé des demandes, puisque les justifications d'ordre politique sont exclues. Dans la logique de ce qui précède, les objecteurs y ont vu un outil supplémentaire pour freiner l'accès du statut au plus grand nombreNote de bas de page(4).

L'objection de conscience : un droit très coûteux... notamment pour les fonctionnaires
Pour les fonctionnaires hommes qui, jusqu'en 2001, étaient dans l'obligation d'accomplir le service national militaire, le temps passé à ce titre est validé comme une année travaillée, selon une disposition introduite par la loi n° 65-550 du 9 juillet 1965 relative au recrutement en vue de l'accomplissement du service national : « Le temps de service national actif, quelle que soit la forme de ce dernier, est compté, dans la fonction publique, pour sa durée effective dans le calcul de l'ancienneté de service exigée pour l'avancement et pour la retraite, à condition que sa durée n'ait pas été inférieure à un an ».

Si la loi du 10 juin 1971 portant code du service national a confirmé par ses articles 41 et suivants, le statut des objecteurs de conscience, elle a clairement écarté, dans son article 63, la prise en compte du temps passé pour cette forme particulière de service national dans la carrière des fonctionnaires : « Le temps de service national actif, accompli dans une des formes du titre IIINote de bas de page(5), est compté, dans la fonction publique, pour sa durée effective, dans le calcul de l'ancienneté du service exigé pour l'avancement et pour la retraite. Le temps obligatoirement passé dans le service militaire ou dans le service de défense en sus du service national actif est pris en compte intégralement pour l'avancement et pour la retraite ». Or les objecteurs de conscience figurent expressément au titre II sur les dispositions communes aux différentes formes de service national, dans le chapitre des exceptions, dispenses et modalités particulières d'accomplissement des obligations d'activité du service national.

Economiquement l'objection de conscience a un coût, au-delà de la perte potentielle de rémunération durant la période supplémentaire de service national, puisqu'il faut tenir compte à la fois de son incidence sur le déroulement de carrière des fonctionnaires et de celle sur leurs droits à pension.

Rappelons que la durée moyenne d'ancienneté du premier échelon des grilles des corps de fonctionnaires de catégories A, B et C est d'une année (6 mois pour les administrateurs civils). Le refus de prendre en compte la totalité du service effectué en tant qu' objecteur de conscience entre 1971 et 1983 après l'entrée dans la fonction publique provoque mécaniquement un retard d'avancement par rapport aux autres membres de la cohorte de recrutement, notamment du fait des conditions d'ancienneté requises pour être promouvable aux échelons et grades supérieurs. Au terme du déroulement de carrière la possibilité d'atteindre le dernier échelon de son grade se trouve dès lors fortement compromise. Le préjudice est patent.

Cet effet négatif se répercute également en matière de reclassement où la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE 2 oct. 1955, Sieur Koenig) entraîne un report total ou partiel des services militaires. En application de celle-ci un fonctionnaire qui change de corps a droit au report dans le nouveau corps des bonifications et majorations d'ancienneté précédemment obtenues sous réserve que sa situation dans le nouveau corps ne soit pas déjà influencée par l'application desdites majorations et bonifications.

Il existait et continue d'exister incontestablement en matière de retraite une différence de traitement entre les salariés selon qu'ils ressortent du régime général ou du code des pensions civiles et militaires de retraite et, ce, malgré des bases de liquidation des droits différentes. Pour les premiers, la circulaire n° 15/94 du 25 janvier 1994 de la Caisse nationale d'assurance vieillesse prévoyait pour les objecteurs de conscience la prise en compte de la totalité de la période passée dans une formation civile assurant un travail d'intérêt général en application de la loi n° 63-1255 du 21 décembre 1963. Le nouvel article L. 161-19 du code de la sécurité sociale (CSS) (modifié par l'art. 63 de la loi n° 2001-1246 du 21 déc. 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002 ; v. aussi rép. min. Trémel, n° 01482, JO Sénat Q 29 mai 2003, p. 1743) prévoit que désormais « toute période de service national légal, de mobilisation ou de captivité est, sans condition préalable, assimilée à une période d'assurance pour l'ouverture du droit et la liquidation des avantages vieillesse ».

En conséquence les risques de décote du montant des droits à pension pour durée d'assurance incomplète de ce fait sont donc écartés. Pour les fonctionnaires, jusqu'à l'adoption de la loi du 21 août 2003, la durée d'assurance ne rentrait pas dans le calcul des droits à pension. Depuis, le service national - même effectué avant l'entrée dans la vie active figure dans les périodes prises en compte gratuitement pour le calcul de la pension. Sur ce point le statut d'objecteur ne génère pas d'effet négatif.

Toutefois la discrimination spécifique concernant la prise en compte au titre des annuités (soit une perte de 2 % du dernier traitement indiciaire brut par année d'ancienneté) de la période de service national effectuée après le recrutement perdure puisque la loi du 8 juillet 1983, modifiant le code du service national et relative notamment au nouveau statut des objecteurs de conscience, ne l'a supprimée que pour les seuls fonctionnaires ayant accompli leur service national à compter du 10 juillet 1983. Elle ne comporte aucune disposition étendant à titre rétroactifNote de bas de page(6) le nouveau dispositif aux objecteurs de conscience ayant accompli leur service antérieurement.

Cette discrimination envers les fonctionnaires n'a pu être corrigée par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 278041 du 10 mai 2006. Il s'agit indubitablement de la persistance d'une anomalie au regard de l'évolution de l'opinion portée sur l'objection de conscience par notre société et de la disparition, ou plus précisément de la suspension, du service militaire obligatoire. La clause de révision en 2008 de la réforme des retraites de 2003 permettrait d'envisager de solder ce contentieux et de mettre le droit interne en parfaite phase avec les préventions des recommandations internationales protégeant les droits de l'homme.



Très cordialement.

Posté le Le 02/09/2014 à 11:37
Bonjour,

depuis la saisine du Conseil Constitutionnel et son avis
n°2011-181 QPC du 13 Octobre 2011, les services effectués
par les objecteurs de conscience doivent être intégralement
repris dans le calcul de l'ancienneté des fonctionnaires,
pour l'avancement comme pour la retraite...

Il me semble que c'est clairement réglé !

Cordialement,

FhrEnck

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