Rupture conventionnelle à l'initiative du salarié.

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Posté le Le 16/08/2015 à 05:25
Bonjour,
Je suis venu vers vous lors de la deuxième quinzaine d'avril, afin de vous parler de ma copine qui a bénéficié d'une rupture conventionnelle de son CDI (art. L 1237-11 et suivants du Code du travail) et à la suite de nos échanges en ce sens, nous avons encore des interrogations, je me permets donc de vous les soumettre.
Bref rappel des faits : Salariée protégée, elle a signée en novembre 2009 une rupture conventionnelle qui a été acceptée par l'inspecteur du travail et pour qu'elle ne puisse pas contester ladite rupture son ancien employeur a sécurisé le contrat en y insérant une clause transactionnelle dont la teneur suit : "Les parties au présent accord renoncent donc expressement à diligenter toutes instances ou actions dont les relations de travail les ayant liées pourraient être l'objet, la cause ou l'occasion." Nous avons saisi le Conseil de Prud'hommes pour faire valoir la transaction aux motifs qu'il n'est pas possible de transiger avec un salarié protégé antérieurement à l'autorisation administrative de rupture et dire que la rupture conventionnelle est nulle avec allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Nous avons passé la phase de la conciliation sans possibilité de trouver un accord, l'affaire a donc été renvoyée devant le bureau de jugement.
Il est a noter que nous attaquons la convention de rupture du contrat de travail et non la décision expresse de l'inspecteur du travail.
Nous pensons avoir bonne espoir de voir aboutir notre requête devant le juge, car en plus de cette fameuse clause, la Cour de cassation affirme qu'une convention conclue entre un salarié et un employeur ne peut pas constituer une rupture d'un commun accord en l'état d'un litige existant entre les parties sur l'exécution et la rupture du contrat de travail (soc. 11/02/2009, pourvoi n° 08-40095)(dans le cas d'espèce, retenue sur salaire ce qui constitue une sanction pécunaire illicite, non-paiement d'heures de délégations & négociation pendant le délai ouvert au pourvoi en cassation qui n'a pas été effectué issu d'un précédent litige), sauf si c'est le salarié qui a pris l'initiative de l'accord (soc. 21/03/2003, n° 00-43568), ce qui est le cas en l'espèce. D'ailleurs, l'inspecteur du travail n'a pas manqué de le souligner dans sa décision d'autorisation de rupture conventionnelle (terme usité : initiative première).
Quelle est votre analyse sur ce sujet ?
Devons-nous continuer la procédure devant les Prud'hommes ?

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Posté le Le 16/08/2015 à 05:25
Cher monsieur,



Votre premier argument devrait être le plus efficace (moins le second puisque vous soulignez vous même que c'est la salarié qui a demandé la rupture conventionnelle.


En effet, les parties ne devraient pas pouvoir conférer à la rupture conventionnelle les effets d'une transaction, en stipulant une clause par laquelle elles renoncent à toute instance ou action portant sur la relation de travail qui prend fin avec la rupture conventionnelle (S. NIEL, Quelques aspects pratiques de la rupture conventionnelle, Sem. soc. Lamy 2008, no 1360, p. 8).

La rupture conventionnelle serait nulle ou requalifiée en transaction (Soc. 13 févr. 2002, no 99-45 731).


Ce qui dans un cas comme dans l'autre, vous permet d'obtenir gain de cause.


Très cordialement.

Posté le Le 16/08/2015 à 05:25
Monsieur,

Je vous remercie de votre réponse.

Mais, c'est la salariée qui a pris "l'initiative première" (pour reprendre exactement les propos de l'inspecteur du travail qui figure dans sa décision) de vouloir rompre le CDI en sollicitant une rupture conventionnelle, que l'autorité administrative a accepté ladite convention de rupture en prenant bien soin de faire ressortir dans sa décision expresse la fameuse phrase litigieuse, soit la clause transactionnelle.

-> Ces deux éléments qui ressortent dans la décision administrative, alors qu'il y a eu en plus une enquête contradictoire devant l'inspecteur du travail, ne confère-t-il pas un caractère solennel à la rupture conventionnelle ?

Ajouté à celà, un litige existait entre les parties pendant les pourparlers, ce que n'a pas souligné l'inspecteur dans sa décision expresse, et il n'y a pas eu de protestation (lettre de désaprobation notamment et autres écrits quelconques) de la part de ma copine, pendant la phase de négociation, pour dénoncer les manquements de son ancien employeur à son égard (cependant, nous avons la preuve de ses manquements à son égard).

-> Ces deux éléments ne risquent-ils pas de jouer en sa défaveur dans la prise de décision du juge ?

Très cordialement,

Posté le Le 16/08/2015 à 05:25
Cher monsieur,
Citation :


Mais, c'est la salariée qui a pris "l'initiative première" (pour reprendre exactement les propos de l'inspecteur du travail qui figure dans sa décision) de vouloir rompre le CDI en sollicitant une rupture conventionnelle, que l'autorité administrative a accepté ladite convention de rupture en prenant bien soin de faire ressortir dans sa décision expresse la fameuse phrase litigieuse, soit la clause transactionnelle.

-> Ces deux éléments qui ressortent dans la décision administrative, alors qu'il y a eu en plus une enquête contradictoire devant l'inspecteur du travail, ne confère-t-il pas un caractère solennel à la rupture conventionnelle ?


Pourquoi un caractère solennel?

L'avis favorable de l'inspection du travail n'empêche nullement la nullité d'une rupture conventionnelle qui contiendrait une clause transactionnelle. Ce rôle est dévolu au juge judiciaire et c'est à lui qu'il appartient de juger de la requalification ou non de la convention sur le fondement de l'article 12 du Code de procédure civile.


Il est clair toutefois que cette décision met à mal votre deuxième argument mais qui est ici, pas indispensable puisque le premier serait bien suffisant.


Citation :
Ajouté à celà, un litige existait entre les parties pendant les pourparlers, ce que n'a pas souligné l'inspecteur dans sa décision expresse, et il n'y a pas eu de protestation (lettre de désaprobation notamment et autres écrits quelconques) de la part de ma copine, pendant la phase de négociation, pour dénoncer les manquements de son ancien employeur à son égard (cependant, nous avons la preuve de ses manquements à son égard).

-> Ces deux éléments ne risquent-ils pas de jouer en sa défaveur dans la prise de décision du juge ?


Ce deuxième élément fait clairement sauter votre deuxième argument, c'est certain.


Très cordialement.

Posté le Le 16/08/2015 à 05:25
Monsieur,

Si je comprends bien, lorsque vous dites qu'"il est clair toutefois que cette décision met à mal votre deuxième arguement (...)", vous voulez dire que "la décision administrative met à mal l'argument du litige existant entre les parties pour faire requalifier les faits", c'est-à-dire que malgré le litige pendant l'exécution du contrat de travail, le fait qu'il existe une décision expresse autorisant la rupture, le juge ne tiendra pas compte de ce litige.
-> Avez-vous voulu dire ça ?

Alors que "le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, issu de la loi des 16 et 24 août 1790 et du 16 fructidor an III, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié, il reste, cependant, compétent pour allouer des dommages-intérêts au salarié au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement [à la rupture]" (soc. 10/02/1999, pourvoi n° 95-43561), ce qui est le cas en l'espèce, car la convention de rupture est systématiquement antérieure à la décision de l'inspecteur du travail, mais "il [le juge judiciaire] ne peut faire droit à une telle demande lorsque les manquements invoqués par le salarié ont nécessairement été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation" (soc. 29/09/2010, pourvoi n° 09-41127).
En effet, il s'avère que la décision de l'autorité administrative fait ressortir la clause transactionnelle qui sécurise l'accord, par contre le litige entre les parties n'y figure pas.
J'en déduis, à la lumière de la jurisprudence du 29/09/2010, le fait que la clause de sécurisation ait été mentionnée par l'inspecteur, le juge judiciaire ne peut donc pas prendre en considération cet élément.
Par contre, le fait que l'inspecteur n'a pas fait ressortir le litige entre les parties, le juge aurait pu prendre cet élément en ligne de compte, à la condition qu'une lettre de désaccord ait été envoyée par ma copine à son ex-employeur. Mais comme il n'y a rien eu de fait, alors le litige ne pourra pas être pris en considération.
-> Quelle est votre opinion ? Qu'en pensez-vous ?

Ensuite, vous dites "ce deuxième élément fait clairement sauter votre deuxième argument, c'est certain."
Vous voulez dire que : le fait qu'il n'y a pas eu de courrier de protestation pendant la phase de négociation pour dénoncer les manquements de son ancien employeur, bien que nous ayons la preuve de ces manquements à son égard, signifie que le litige existant lors des pourparlers ne pourront pas être pris en considération par le juge.
-> Est-ce bien ça ?

-> Si tel est bien ce que vous avez voulu dire, alors vous conviendrez que, le fait d'avoir sécurisé la convention de rupture par une clause transactionnelle, l'employeur reconnaît d'une certaine manière qu'il existe un litige entre les parties ?

-> De plus, il ressort des décisions de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date des 11 février 2009 (n° 08-40095) et 25 mars 2009 (n° 07-44657), ainsi que des moyens du pourvoi annexés aux arrêts, que les salariés n'ont pas protestés sur leur litige respectif qui avait une existance pendant la phase de négociation des ruptures amiables (comme le cas d'espèce qui vous est soumis), voir même pour la décision du 11/09/2009 que la salariée était à l'initiative de la demande de rupture (comme ma copine), ce qui n'a pas empêché le juge judiciaire de reconnaître l'existence du litige pour chacun d'eux et de requalifier la convention de rupture en transaction.
Quel est votre avis ?

Posté le Le 16/08/2015 à 05:25
Cher monsieur,

Citation :
Si je comprends bien, lorsque vous dites qu'"il est clair toutefois que cette décision met à mal votre deuxième arguement (...)", vous voulez dire que "la décision administrative met à mal l'argument du litige existant entre les parties pour faire requalifier les faits", c'est-à-dire que malgré le litige pendant l'exécution du contrat de travail, le fait qu'il existe une décision expresse autorisant la rupture, le juge ne tiendra pas compte de ce litige.
-> Avez-vous voulu dire ça ?


Non, j'ai simplement dit que cet argument ne peut valablement être soulevé que lorsque c'est l'employeur qui est à l'origine de la rupture conventionnelle. Or, tout rapporte ici, y compris la décision de de l'inspecteur du travail, que c'est bien la salariée qui a demandé la rupture conventionnelle.



Citation :


Alors que "le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, issu de la loi des 16 et 24 août 1790 et du 16 fructidor an III, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié, il reste, cependant, compétent pour allouer des dommages-intérêts au salarié au titre des fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement [à la rupture]" (soc. 10/02/1999, pourvoi n° 95-43561), ce qui est le cas en l'espèce, car la convention de rupture est systématiquement antérieure à la décision de l'inspecteur du travail, mais "il [le juge judiciaire] ne peut faire droit à une telle demande lorsque les manquements invoqués par le salarié ont nécessairement été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation" (soc. 29/09/2010, pourvoi n° 09-41127).
En effet, il s'avère que la décision de l'autorité administrative fait ressortir la clause transactionnelle qui sécurise l'accord, par contre le litige entre les parties n'y figure pas.
J'en déduis, à la lumière de la jurisprudence du 29/09/2010, le fait que la clause de sécurisation ait été mentionnée par l'inspecteur, le juge judiciaire ne peut donc pas prendre en considération cet élément.


Ce n'est pas mon avis.

Le principe de séparation des pouvoirs s'explique en raison de l'autorité de la chose jugée. Cela signifie que le CPH ne peut pas statuer sur un fait qui relève de la compétence de l'inspecteur du travail. Or, la mission de l'inspecteur du travail dans l'exercice de sa compétence, appliquée à la rupture conventionnelle, se borne à apprécier la liberté du consentement du salarié.

En conséquence par exemple, votre amie ne pourra pas invoquer devant le juge l'absence consentement.

Pour un licenciement, auquel la plupart de vos jurisprudences font référence, le CPH ne peut pas apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement puisque cela revient à l'inspecteur du travail.

Dans votre cas, il n'appartient pas à l'inspecteur du travail de statuer sur la légalité d'une clause transactionnelle. Cela doit relever de la compétence exclusive du CPH.

On peut en discuter c'est certain mais je reste sur ma position.


Très cordialement.

Posté le Le 16/08/2015 à 05:25
Donc, litige ou pas pendant l'exéction du contrat de travail, initiative du salairé ou non de solliciter une rupture conventionnelle, qu'importe !
Le juge statuera-t-il simplement sur la clause transactionnelle, que soulèvera la demanderesse devant lui ?
Et celui-ci requalifiera-t-il la rupture conventionnelle en rupture transactionnelle ?

Posté le Le 16/08/2015 à 05:25
Cher monsieur,

Citation :
Donc, litige ou pas pendant l'exéction du contrat de travail, initiative du salairé ou non de solliciter une rupture conventionnelle, qu'importe !


En fait, j'ai simplement dit qu'un salarié qui avait demandé le bénéficie d'une rupture conventionnelle ne pouvait pas faire valoir l'existence d'un litige, ce que dit ni plus ni moins la jurisprudence.

Citation :

Le juge statuera-t-il simplement sur la clause transactionnelle, que soulèvera la demanderesse devant lui ?


Je comprends pas. A priori, si le juge constate la clause transactionnelle, il ne peut ici que l'annuler. La demanderesse peut donc faire sa demande de dommages et intérêt ou de réintégration.
Citation :

Et celui-ci requalifiera-t-il la rupture conventionnelle en rupture transactionnelle ?



A priori, ce n'est pas possible puisque la transaction suppose une rupture du contrat et qu'il n'y en a pas eu ici.


Très cordialement.

Posté le Le 16/08/2015 à 05:25
Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?
Très cordialement,

Posté le Le 16/08/2015 à 05:25
Cher monsieur,

Citation :

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ?


Oui, bien sûr.


Très cordialement.

Posté le Le 16/08/2015 à 05:25
Merci pour ces échanges très riches en informations.
Vous pouvez maintenant archiver la question.

Très cordialement,

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