Citation :
Je ne comprends pas trop la discussion au sujet des descendants de l'adoptant. Le juge est bien tenu de vérifier que la vie familiale ne sera pas comprise par l'adoption en présence d'une descendance de l'adoptant.
Il est exact que l’article 353-1 du code civil dispose :
Dans le cas où l'adoptant a des descendants le tribunal vérifie en outre si l'adoption n'est pas de nature à compromettre la vie familiale. Cela m’avait échappé.
Il faut toutefois chercher ce que recouvre cette disposition. Ce n’est pas simple et il n’y a rien d’évident.
Le titre du code civil consacré à l’adoption contient plusieurs chapitres :
- Conditions requises pour l’adoption,
- Procédure et jugement,
- Effets de l’adoption,
- Adoption de l’enfant de l’autre membre du couple.
L’article 353-1 est inclus dans le chapitre consacré à la procédure.
Les conditions requises pour l’adoption sont définies aux articles 343 à 350.
En résumé, l’adopté étant majeur :
L’adoptant personne seule ni mariée ni pacsée, doit être âgé de plus de vingt-six ans ;
L’adopté ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n'est par deux époux, deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins.
Autres conditions :
- l’adoptant doit être âgé d’au moins quinze ans de plus que l’adopté ;
- l'adoption entre ascendants et descendants en ligne directe et entre frères et sœurs est prohibée ;
- le consentement à l'adoption doit être libre et éclairé, obtenu sans aucune contrepartie.
Finalement, en dehors des conditions d’âge et d’absence de certains liens de parenté, la seule condition requise est celle des consentements et de l’adoptant et de l’adopté.
La disposition de l’article 353-1 ordonnant au juge de vérifier si la vie familiale ne sera pas compromise par l'adoption en présence d'une descendance de l'adoptant ne porte pas sur le fond mais sur la procédure. Le fond, c’est le consentement et rien d’autre. Il en résulte que si la vie familiale est compromise, ce n’est pas rédhibitoire.
Si ce n’est pas rédhibitoire, c’est tout de même à examiner parce que si la vie familiale doit être perturbée, il y a matière à s’interroger sur ce qui peut bien pousser un parent à adopter un autre enfant et à rechercher avec attention si le consentement est bien réel et éclairé.
Une adoption peut être plénière ou simple. L’adopté peut être mineur majeur. L’adoptant peut avoir des descendants qui peuvent être ou mineurs ou majeurs.
Il ne fait pas de doute que l’intention du législateur est d’attirer l’attention du juge plus particulièrement sur les conséquences d’une adoption qui aurait pour effet d’ajouter un enfant dans une cellule familiale composée d’un ou deux parents et d’un ou de plusieurs enfants mineurs entretenus et éduqués par leurs parents. Lorsque les enfants sont devenus majeurs et ne dépendent plus de leurs parents, la cellule familiale a éclaté et, si des liens entre membres de la famille continuent à être entretenus, il n’y a plus de vie familiale de même nature. D’ailleurs il peut arriver que les liens se distendent au point que parents et enfants n’entretiennent plus aucune relation.
La situation qui nous intéresse est celle d’une personne divorcée ayant des enfants majeurs. On comprend qu’il n’y a plus de cellule familiale. La question de la vie familiale est tout à fait accessoire et ce n’est pas ce qui retiendra l’attention du juge. Il cherchera plutôt à déterminer s’il y un réel projet d’adoption ou s’il ne s’agit pas d’une adoption grise comme il peut y avoir des mariages gris.
A cet égard, l’arrêt de la cour de cassation du 6 avril 2011 n° 10-30.821 est intéressant. Les circonstances de l’adoption sont suffisamment douteuses pour faire penser, comme l’a fait le parquet, à une « adoption grise ». Le juge du fond l’a néanmoins validée et les considérations du parquet sur la vie familiale ont été écartées comme ne pouvant permettre l’adoption du pourvoi.
En sens inverse, dans l’affaire de l’arrêt du 4 mais 2011, n° 10-13.996, le juge d’appel a infirmé le jugement de première instance ayant prononcé l’adoption simple au motif que l’institution a été détournée à deux titres :
- elle ne visait pas à consacrer une relation filiale mais une relation de concubinage ;
- elle visait en outre contourner les dispositions régissant les donations.
Dans ces deux affaires, le juge ne s’est prononcé que sur le consentement, jugé libre et éclairé dans la première affaire, vicié dans la seconde.