Cher monsieur,
Citation :
Je me suis aperçu à l'occasion d'une demande d'indexation de la pension alimentaire que je verse pour mes deux enfants à mon ex -épouse qu'il y avait eu une erreur de calcul depuis 7 ans , qui amenait un indu de l'ordre de 11 000 euros sur les 5 dernières années ( période sur laquelle mon avocat m'a assuré pouvoir récupérer les sommes trop versées). L'avocate de mon ex- épouse ne conteste pas l'erreur , mais objecte que mon avocat aurait de facto validé le calcul par la transmission d'un courrier par lequel elle me demandait de payer les arriérés d'indexation de pension ainsi que la prestation compensatoire à laquelle j'ai été condamné. Elle refuse dons de rembourser les sommes antérieures à cette validation . Ce courrier date de mars 2008 , et a effectivement été transmis à mon avocat, ainsi qu'à moi même par courriel. Mon avocat n'a effectivement rien objecté , et j'ai payé la totalité des sommes réclamées par chèque adressé au CARPA. Le différentiel des sommes à payer depuis 2005 et celles de 2008 est de l'ordre de 7000 euros. Mon avocat me demande 2000 euros pour entamer une procédure au TGI , ce qui m'apparait bizarre puisqu'il est à l'origine de la contestation ! Ma question est donc la suivante : la "validation" supposée ( en fait mon avocat n'a simplement rien dit, il m'a envoyé le papier et reçu le chèque sans vérifier les calculs) constitue t elle une base juridique pour refuser le remboursement des sommes antérieures a 2008 ?
Absolument pas.
L'action en répétition de l'indu est précisément encadrée par l'article 1376 du Code civil qui dispose que:
Citation :
Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
Et la jurisprudence sur la question est particulièrement claire:
"Le paiement fait par erreur, en extinction d'une dette légitime, excédant le montant de la dette constitue quant à l'excédent un paiement de l'indu": Cass. req. 17 juillet 1939: DH 1940,15.
Ou encore:
"La négligence de celui qui a payé par erreur ne fait pas obstacle à l'exercice par lui de l'action en répétition": Cass. Soc. 3 novembre 1972: JCP 1974, II, 17692, note ghestin).
S'agissant du problème plus délicat de la prescription, je ne suis pas en accord avec votre avocat et vous transmet d'ailleurs un excellent article à ce propos.
Jusqu'à la loi du 17 juin 2008, il existait deux sortes de prescriptions applicables et qui posent problème dans votre cas:
-La prescription en matière contractuelle ou quasi-contractuelle qui était de 30 ans.
-La prescription abrégée de 5 ans pour les créances périodiques (pension alimentaire, salaires etc.)
La question qui s'est posée était donc de savoir si l'action en prescription de l'indu se prescrivait par trente ans (puisque la répétition de l'indu est un quasi-contrat) ou bien par 5 ans (puisque l'objet de l'action en répétition est un trop perçu d'une pension alimentaire)?
Sur ce point, il a été admis que c'est la prescription de trente ans qui s'appliquait (cass. 2ème Civ, 14 Octobre 1965).
Aussi, personnellement, je demanderai le remboursement des 7 dernières années, et non 5, en faisant valoir la prescription trentenaire.
Citation :
RTD Civ. 1997 p. 427
Prescription et répétition de l'indu
Jacques Mestre, Professeur à l'Université de droit, d'économie et des sciences d'Aix-Marseille ; Directeur de l'Institut de droit des affaires
Après avoir longtemps décidé que l'action en répétition de l'indu, parce qu'elle était juridiquement autonome, devait se prescrire par trente ans, y compris dans les cas où la prescription de l'obligation supposée en vue de laquelle le paiement s'est effectué est plus courte (cf. les nombreuses décisions citées dans cette Revue 1985.169), plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont à l'époque contemporaine semé le doute dans les esprits en considérant implicitement que, lorsque des sommes avaient été indûment payées dans un cadre contractuel, l'action en répétition devait être soumise à la même prescription que celle en paiement dans le type de contrat considéré. Ainsi, la prescription quinquennale des salaires a-t-elle été déclarée applicable à une action en répétition de salaires réglés à tort (Civ. 1, 18 juin 1980, D. 1980.542), et la prescription biennale, à l'action en restitution d'indemnités versées indûment par un assureur (Civ. 1, 4 déc. 1973, RGAT 1974.495 ; 18 mai 1983, ibid. 1984.208 ; 8 juin 1994, Bull. civ. I, n° 202, p. 148 ; 22 juin 1994, ibid. n° 220, p. 161). Or voici que deux arrêts des première et troisième chambres civiles paraissent bien revenir à plus d'orthodoxie.
Dans l'un, du 27 février 1996 (Bull. civ. I, n° 105, p. 72), la première chambre civile indique, en effet, que « l'action de l'assureur tendant à la répétition de paiements dont le caractère indu ne résultait pas d'une stipulation de la police, mais de l'article L. 113-1 du code des assurances, qui prohibe la garantie des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle, ne dérivait pas du contrat d'assurance, au sens de l'article L. 114-1 de ce code » et donc qu'« en écartant l'application de la prescription biennale, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ». Et dans l'autre, du 21 février 1996 (Bull. civ. III, n° 32, p. 48 ; Defrénois, 1996.1436, obs. A. Bénabent), la troisième chambre civile censure une cour d'appel qui avait déclaré prescrite l'action en remboursement de loyers trop versés depuis plus de cinq ans en précisant que « l'action en répétition de sommes versées indûment à titre de loyers n'est pas soumise à la prescription abrégée des actions en paiement de loyers ».
Ainsi, de façon particulière dans le premier arrêt (indemnités versées en contravention manifeste à une disposition légale) et très générale dans le second, la Cour de cassation s'évade manifestement de la règle du parallélisme des délais et, à notre avis, justement. Certes, comme le fait observer notre collègue Bénabent, « il peut être choquant de voir les deux parties à un même contrat ainsi traitées différemment quant à la prescription ». Mais, d'un autre côté, comme nous l'écrivions précédemment ici même (cette Revue 1985.728) sous un arrêt de la cour de Paris qui avait appliqué la prescription biennale à une action par laquelle un assuré réclamait, quatre années après les avoir payées, des primes qu'il estimait avoir réglées en trop, « nous avouons ne pas être convaincu par ce raisonnement qui fait découler du contrat d'assurance le règlement de sommes qui, par hypothèse, ne peuvent pas juridiquement prendre appui sur lui ». Restons donc ici logique : si les sommes versées n'étaient pas dues en qualité de loyers, de salaires, de primes ou d'indemnités, ne leur appliquons pas la prescription afférente à ces créances.
Très cordialement.