Déshériter un enfant : le crime parfait ?

> Famille > Succession

Posté le Le 12/08/2024 à 07:42
Bonjour à tous,
Une de mes amies est fille unique de parents qui étaient mariés en communauté universelle. Son père est décédé il y a plusieurs années, et sa mère plus récemment.
Celle-ci avait vendu sa maison, et placé quasiment tout le prix sur diverses assurances vie.
Les assureurs ne donnent aucune information sur les bénéficiaires.
De ce fait sa fille est dans les faits déshéritée, il ne reste presque rien sur les comptes courants.
Quels recours peut-elle envisager ?

Merci d'avance de vos réponses

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Posté le Le 12/08/2024 à 08:52
Hello !

La fille reste héritière réservataire bien qu'une assurance-vie se règle hors succession. Mais effectivement l'assurance-vie semble bien être un moyen de contourner plus ou moins la "part réservataire". Le combat s'annonce difficile si j'en crois ces lectures (pertinentes ?) :

https://finances-et-patrimoine.fr/assurance-vie-heritiers-reservataires/

https://www.lemonde.fr/argent/article/2017/10/14/comment-utiliser-l-assurance-vie-pour-contourner-la-part-reservataire_5201056_1657007.html

A+

Posté le Le 12/08/2024 à 09:16
Bonjour,

En tant qu'héritière votre amie peut demander copie des contrats d'assurance et un relevé des différents versements, c'est la première chose à faire. Évidemment par courrier recommandé avec accusé de réception.

Ensuite il faudra voir si les versements ont été "manifestement exagérées" eu égard au patrimoine et aux revenus de la mère à l'époque de leur versement :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006793016

Cet article cite un peu de jurisprudence :
https://www.efl.fr/actualite/primes-exagerees-rapportables-succession-tenir-compte-patrimoine-global-souscripteur_f4688b9f6-e1b0-4237-84ab-0b3d7f684862

L'avocat sera obligatoire au vu du montant en jeu si elle décide de tenter un recours. Il est indispensable de ne pas se lancer dans cette procédure sans le feu vert d'un bon avocat, vu que la jurisprudence montre que c'est du cas par cas.

Avant d'aller en justice le mieux est de tenter une transaction avec les bénéficiaires pour essayer d'arriver à un partage amiable des assurances-vie.

__________________________
Modératrice

Posté le Le 12/08/2024 à 09:18
Avant de contester en justice (ce qui a un coût) il faut déjà identifier les assureurs et les contrats souscrits.
Si le défunt n'a laissé aucune trace, tout restera secret, y compris les (heureux) bénéficiaires.
C'est a priori imparable.

Posté le Le 12/08/2024 à 09:36
Le notaire en charge de la succession peut interroger FICOVIE, dans le cadre du 2 de l'article L151 B du Livre des procédure fiscales, s'il est mandaté par un héritier :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000029097112

2. Le notaire chargé d'établir l'actif successoral en vue du règlement de la succession pour laquelle il a été mandaté obtient, sur sa demande, auprès de l'administration fiscale la communication des informations détenues par celle-ci en application du I de l'article 1649 ter du code général des impôts, afin d'identifier l'ensemble des contrats de capitalisation souscrits par le défunt.

Le notaire joint à sa demande le mandat l'autorisant à agir au nom des ayants droit.


Théoriquement le souscripteur pouvant interroger FICOVIE et avoir accès à toutes les données, ses héritiers devraient aussi y avoir accès mais je crois que ce n'est pas évident :
https://www.cnil.fr/fr/cnil-direct/question/ficovie-fichier-des-contrats-de-capitalisation-et-dassurance-vie-comment-y

A mon avis mieux vaut passer par le notaire.

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Modératrice

Posté le Le 12/08/2024 à 09:53
Merci de cette info très utile : le notaire pourra donc identifier les contrats.

Mais reste l'opacité des assureurs qui opposent au quidam la confidentialité et ne fournissent pas les données indispensables pour contester (montant et dates des versements, capital, bénéficiaires non héritiers, etc)

Autre question : pour envisager de contester l'AV, doit-elle avoir accepté la succession ? Ce qui n'est a priori pas prudent puisqu'elle est probablement vide (ou négative) et que le recours sur les AV est illusoire.

Posté le Le 12/08/2024 à 10:49
Bonjour,

A mon avis elle n'a pas besoin d'accepter formellement la succession, mais si elle conteste le versement des fonds sur l'assurance vie cela risque à mon avis d'être vu comme une acceptation de la succession.

Réunir des informations n'engage à mon avis à rien, mais si elle décide de réclamer une partie des fonds versés sur l'assurance vie c'est forcément en qualité d'heritière.

Pour moi si elle s'engage dans cette voie il faudra au préalable accepter à concurrence de l'actif net.

Un assureur a à ma connaissance l'obligation de fournir aux héritiers les informations sur les contrats souscrits par le défunt en vertu de l'article 724 du Code civil. Ils peuvent juste réclamer une preuve du décès et de la qualité d'hériter. Je sais que certains assureurs communiquent ces informations sans se faire tirer l'oreille. Il y a une jurisprudence qui appuie cette position :
https://www.avocat-antebi.fr/obligation-de-lassureur-vie-de-communiquer-les-pieces-contractuelles-aux-heritiers/

Comme le dit cet avocat, avec la possibilité d'interroger FICOVIE, l'invocation de la confidentialité à l'égard des héritiers est un peu idiote. Le législateur permet de toute façon aux héritiers de connaître toutes les informations relatives aux contrats du défunt dans le fichier centralisé.

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Modératrice

Posté le Le 12/08/2024 à 11:01
Merci beaucoup. Je vais lui transmettre toutes ces infos et elle prendra sa décision.

Posté le Le 12/08/2024 à 13:04
bonjour,

la loi interdit de déhériter ses héritiers réservataires, mais la loi n'interdit pas aux parents de dilapider la totalité de leurs patrimoines de leurs vivants et ce n'est pas un crime.

le placement de son patrimoine en assurance-vie permet au souscripteur d'avantager le(s) personnes de son choix.

le principe de la réserse héréditaire est contestable puisqu'il supprime la liberté de répartir, à votre décès, son patrimoine aux personnes de son choix, d'ou le recours aux assurances-vies.

si avec un enfant unique, les parents choisissent le régime de la communauté universelle et qu'ils placent leus économies en assurances-vies, c'est que les parents veulent que leur enfant unique hérite le moins possisible.

salutations

Posté le Le 12/08/2024 à 13:13
Certes l'intention peut être déduite de la situation.

Placer son capital sur une AV n'est pas le dilapider puisqu'il reste disponible à tout moment pour le souscripteur.

Et instaurer bénéficiaire un tiers hors héritiers réservataires est un moyen de détourner la loi sur la succession et les taxes à 60% et donc de déshériter son enfant. CQFD.
Elle est pas belle la vie ?

Posté le Le 12/08/2024 à 14:34
le principe de la réserse héréditaire est contestable puisqu'il supprime la liberté de répartir, à votre décès, son patrimoine aux personnes de son choix, d'ou le recours aux assurances-vies.
Cela fait 220 ans qu'il existe, sans jamais avoir été remis en question par le législateur. Il y a des pays qui font le choix d'accorder une liberté totale au testateur, d'autres de faire de tous les héritiers des réservataires, d'autres enfin comme la France coupent la poire en deux.

C'est historiquement chez nous c'est lié à l'obligation alimentaire et à la survivance dénaturée d'une notion de "patrimoine familial" (qui explique aussi que le vol n'est pénalement puni entre ascendants et descendants, alors que dépouiller ses propres parents ou enfants semble moralement pire que voler un tiers).

Après l'assurance-vie est aussi un moyen ancien et légal de gratifier des tiers (ou de diminuer les droits de succession de ses héritiers).

Avec un brin de provocation, l'héritage lui-même est un principe contestable. Ça consiste à toucher le patrimoine de ses proches sans avoir levé le petit doigt (sauf dans le cas où l'on a pris soin desdits proches).

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Modératrice

Posté le Le 12/08/2024 à 14:41
En fait non, il n'est pas déshérité, puisque les sommes versées, supposées non exagérées, ne font pas partie de l'héritage.

Pour dire qu'il y a déshéritage, le préalable est de constituer la masse dépendant de l'héritage. Une fois cette masse obtenue, on regarde combien l'héritier reçoit sur cette masse. Il n'y a pas lieu de regarder ce qui ne dépend pas de cette masse. Par exemple, on ne regarde pas les dépenses dilapidant le patrimoine. Pour rappel, une fois le contrat dénoué, les sommes au contrat sont réputées avoir toujours appartenu aux bénéficiaires, même si c'est rachetable avant le dénouement.

Dans le cas présent, si les premiers versements pouvaient ne pas être exagérés, les derniers ne peuvent être qu'exagérés s'ils épuisent le patrimoine.

Au moins une partie des primes versées devraient pouvoir être regardées comme des libéralités (au profit d'un tiers), donc rejoindre la masse de calcul de la quotité disponible, permettant à l'héritier de récupérer sa réserve issue de cette masse.

Posté le Le 12/08/2024 à 16:20
Ok elle n'est pas "déshéritée" au sens limitatif de ce terme. Toutefois elle se sent spoliée mais ne fera sans doute rien.
Le risque de dépenser argent et énergie pour se planter.
La volonté des défunts que leur enfant ne reçoive rien sera donc respectée.
Merci à tous pour vos contributions.

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