Chère madame,
Voici les références demandées (paragraphes 98 à 114):
Citation :
8. On observa, en premier lieu, de nombreuses confirmations des arrêts précités de 1986. Pourtant, s'agissant de demandes tendant à l'octroi de dommages-intérêts, la troisième chambre civile de la Cour de cassation résista encore quelque peu. Par exemple, à propos de malfaçons hors garantie décennale, elle rejeta, au visa de l'article 1165 du code civil, l'action des acquéreurs d'un immeuble contre l'architecte, dans les conditions de la responsabilité contractuelle de droit commun, motif pris de l'absence d'un « lien contractuel unissant l'architecte aux syndicats » de copropriétaires (Cass. 3e civ. 7 mai 1986, D. 1987.257, note crit. A. Bénabent, RTD civ. 1987.361, obs. P. Rémy ; dans le même sens : Cass. 3e civ. 31 mai 1989, Bull. civ. III, no 121, et 25 oct. 1989, RTD civ. 1990.287, obs. P. Jourdain ).
99. Elle finit cependant par s'incliner, admettant que « le maître de l' ouvrage et les acquéreurs disposaient contre le fabricant ou le fournisseur d'une action contractuelle directe » (Cass. 3e civ. 10 mai 1990, Bull. civ. III, no 116), censurant un arrêt d'appel sous le visa très général de l'article 1147 du code civil. L'action en garantie des vices cachés exercée par le sous-acquéreur contre le vendeur originaire, n'avait été, quant à elle nullement remise en cause (Cass. 3e civ. 7 mars 1990, D. 1990, IR 88 ), tandis que la transmission au sous-acquéreur de l'action en garantie d'éviction était admise (Cass. 3e civ. 28 mars 1990, Bull. civ. III, no 93).
100. La première chambre civile confirma, de son côté, la position prise en sa faveur par l'Assemblée plénière (V. not. Cass. 1re civ. 6 juill. 1988, Bull. civ. I, no 231, admettant l'action en garantie exercée par le dernier vendeur, subrogé après paiement dans les droits de l'acquéreur), tandis que la chambre commerciale admettait l'action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose, exercée par le maître de l' ouvrage contre le fabricant (Cass. com. 19 mars 1991, Contrats, conc., consom. juin 1991, comm. no 136, obs. L. Leveneur, et jurispr. citée). Cette même formation admit également l'action en résolution exercée par le sous-acquéreur contre le premier vendeur que ce soit pour vices cachés (Cass. com. 24 nov. 1987, Bull. civ. IV, no 250) ou que ce soit pour défaut de conformité (Cass. com. 4 juin 1991, Bull. civ. IV, no 206, à propos d'un crédit-preneur devenu propriétaire).
101. La question semblait donc réglée... du moins s'agissant des chaînes de contrats réalisant une acquisition de propriété (V., sur ce sujet, P. Jourdain, La nature de la responsabilité civile dans les chaînes de contrats après l'arrêt d'Assemblée plénière du 12 juillet 1991, D. 1992, chron. 149 , not. no 17 et s.).
102. Mais un nouveau conflit allait éclater entre la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation, l'une faisant preuve d'audace, l'autre se présentant comme la gardienne du principe d'effet relatif des conventions. Dès le 11 février 1986 (Cass. 1re civ. 11 févr. 1986, D. 1986.541, note B. Gross, RTD civ. 1987.100, obs. J. Mestre) la première chambre civile déclarait, en se fondant sur l'article 9 de la loi no 78-22 du 10 janvier 1978 (C. consom., art. L. 311-21), que « l'emprunteur dispose d'une action directe en résolution de la vente, sous réserve de l'intervention à l'instance ou de la mise en cause du prêteur ». Or, ce texte ne prévoit nullement une telle action directe en résolution, se bornant à lier le sort du contrat de prêt à celui du contrat de vente, sous réserve de la présence du prêteur à l'instance.
103. Mais c'est surtout dans le domaine de la sous-traitance que la construction jurisprudentielle de la première chambre civile fut remarquable, car il n'existait en la matière aucun autre texte que la loi de 1975, conférant au sous-traitant une action directe en paiement contre le maître de l' ouvrage (V. supra, no 55).
104. Devait-on admettre pour autant que, réciproquement, le second disposait contre le premier d'une action directe en responsabilité contractuelle ? Le 8 mars 1988 (Cass. 1re civ. 8 mars 1988, Bull. civ. I, no 69, JCP 1988.II.21070, note P. Jourdain, D. 1988, IR 87, RJ com. 1989.304, note P. Delebecque, RTD civ. 1988.551, obs. P. Rémy, 741, obs. J. Mestre, et 761, obs. P. Jourdain), elle énonçait, dans une décision connue sous le nom de « Clic-Clac Photo » que « dans le cas où le débiteur d'une obligation contractuelle a chargé une autre personne de l'exécution de cette obligation, le créancier ne dispose contre cette personne que d'une action de nature nécessairement contractuelle, qu'il peut exercer directement dans la double limite de ses droits et de l'étendue de l'engagement du débiteur substitué ».
105. Il n'était plus question ici de l'acquisition de la propriété, puisqu'il s'agissait d'une sous-traitance de prestation de services. L'arrêt allait donc beaucoup plus loin que les décisions de février 1986 (préc. supra, no 32 et 95). Par ailleurs, il posait le principe d'une double limitation des droits du titulaire de l'action directe en responsabilité contractuelle, principe qui s'inspirait évidemment du régime des actions directes en paiement (V. supra, no 56 et 70 not.).
106. Dans une autre décision, encore plus importante (Cass. 1re civ. 21 juin 1988, Bull. civ. I, no 202, D. 1989.5, note C. Larroumet, JCP 1988.II.21125, note P. Jourdain, JCP, éd. E, 1988.II.15294, note P. Delebecque, D. 1989.somm.232, obs. J.-L. Aubert, RTD civ. 1988.763, obs. P. Jourdain, et 1989.74, obs. J. Mestre, et 107, obs. P. Rémy), relative à un cas où se succédaient deux contrats de vente et un contrat de prestation de services (assistance aéroportuaire), la première chambre civile étendit considérablement le domaine des actions directes en responsabilité contractuelle.
107. En effet, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, elle admit l'action de la victime du dommage contre le fabricant (la société SODEREP), en un attendu très général, qui fit couler beaucoup d'encre : « dans un groupe de contrats, la responsabilité contractuelle régit nécessairement la demande en réparation de tous ceux qui n'ont souffert du dommage que parce qu'ils avaient un lien avec le contrat initial ; qu'en effet dans ce cas, le débiteur ayant dû prévoir les conséquences de sa défaillance selon les règles contractuelles applicables en la matière, la victime ne peut disposer contre lui que d'une action de nature contractuelle, même en l'absence de contrat entre eux ».
108. On remarquera qu'il ne s'agissait pas, là non plus, de fonder l'action directe sur l'acquisition de la propriété (V. supra, no 96 et s.), ni même, en dehors d'une telle acquisition, sur la notion de « sous-contrat » (V. supra, no 104 et s.). Le juge vise « un » groupe de contrats quelconque. Par ailleurs, si l'admission des actions directes est généralement présentée comme une faveur pour leur titulaire, la nature contractuelle donnée ici à la responsabilité vise au contraire à protéger le tiers contre lequel elle est exercée. La référence à la notion de prévisibilité est ici invoquée en faveur du débiteur de l'obligation inexécutée, si bien que le créancier ne dispose « que » d'une action contractuelle, qui ne permettra peut-être pas la réparation intégrale du dommage (Comp. supra, no 86).
109. Une nouvelle controverse jurisprudentielle n'allait pas tarder à survenir, car, dans le même temps, la troisième chambre civile réaffirma avec force son attachement au principe d'effet relatif des conventions : dans un arrêt rendu le lendemain de la décision précitée (Cass. 3e civ. 22 juin 1988, Bull. civ. III, no 115, JCP 1988.II.21125, note P. Jourdain, D. 1988, IR 200, RTD civ. 1989.110, obs. P. Rémy), elle refusa au maître de l' ouvrage une action directe en responsabilité contre le sous-traitant : si le maître de l' ouvrage bénéficie, comme le sous-acquéreur, d'une action directe contractuelle contre le fabricant, une telle action ne lui est pas ouverte contre le sous-traitant car il est « étranger à la convention de sous-traitance », ne pouvant par conséquent se prévaloir de « l'obligation de résultat d'exécuter des travaux exempts de vices », a laquelle le sous-traitant est tenu a l'égard du seul entrepreneur principal. Cette solution fut réaffirmée par la troisième chambre civile, et adoptée par le Conseil d'État (CE 11 juill. 1988, Chambre des métiers d'Ille-et-Vilaine, D. 1989.somm.223, obs. P. Terneyre ; sur ce point, V. l'abondante jurisprudence citée par C. Larroumet, L'effet relatif des contrats et la négation de l'existence d'une action en responsabilité nécessairement contractuelle dans les ensembles contractuels, JCP 1991.I.3531).
110. La nouvelle fracture apparue entre les deux formations allait se perpétuer : par exemple, la première chambre civile, reprenant les solutions relatives au mandat (V. supra, no 62), allait admettre l'action en responsabilité contractuelle du déposant contre le dépositaire substitué (Cass. 1re civ. 31 oct. 1989, JCP 1990.II.21568, note R. de Quenaudon), alors que la troisième chambre civile refusait, par exemple, la responsabilité contractuelle d'un locataire à l'égard d'un syndicat de copropriété (Cass. 3e civ. 5 juin 1991, Bull. civ. III, no 161, D. 1991, IR 194 ).
111. La chambre commerciale, quant à elle, se tenait sur la réserve, dans une sorte de position d'attente (V. not. Cass. com. 17 févr. 1987, D. 1987.543, note P. Jourdain, qui, tout en déclarant que le défaut d'une pièce fabriquée par un sous-traitant n'ouvre pas d'action délictuelle au profit du maître de l' ouvrage, ne prend pas parti sur l'existence éventuelle d'une action contractuelle...).
112. Le conflit allait être résolu par un nouvel arrêt d'Assemblée plénière, qui, cette fois, allait être favorable à la position adoptée par la troisième chambre civile : il s'agit du fameux arrêt Besse (Cass. ass. plén. 12 juill. 1991, D. 1991.549, note J. Ghestin , et somm. 321, obs. J.-L. Aubert , JCP 1991.II.21743, note G. Viney, et, éd. E, 1991.II.218, note C. Larroumet, RJDA 1991, no 771, concl. R. Mourier, p. 583 et rapp. P. Leclercq, p. 590, Contrats, conc., consom. 1991. comm. no 200, obs. L. Leveneur, RTD civ. 1991.750, obs. P. Jourdain , et 1992.90, obs. J. Mestre , et 593, obs. F. Zenati ; adde : C. Jamin, Une restauration de l'effet relatif du contrat, D. 1991, chron. 257 ; P. Jourdain, La nature de la responsabilité civile dans les chaînes de contrats après l'arrêt d'Assemblée plénière du 12 juillet 1991, D. 1992, chron. 149 ; C. Larroumet, L'effet relatif des contrats et la négation de l'existence d'une action en responsabilité nécessairement contractuelle dans les ensembles contractuels, JCP 1991.I.3531 ; pour une bibliographie très complète sur la question, V. p. Jourdain, chron. préc., notes 2 et 3).
113. Dans cette décision, l'Assemblée plénière refusa de suivre la première chambre civile dans la voie qu'elle avait ouverte, et affirma que la responsabilité du sous-traitant à l'égard du maître de l' ouvrage ne pouvait être de nature contractuelle : elle ne permit pas au premier d'opposer au second un moyen de défense tiré du contrat de construction, qui ne liait le maître de l' ouvrage qu'à l'entrepreneur principal : « le sous-traitant n'est pas contractuellement lié au maître de l' ouvrage ».
114. Cette décision, qui marque un retour au principe d'effet relatif du contrat, fut accueillie avec réticence par certains auteurs (V. not. p. Jourdain, obs. RTD civ. 1991.750 ; G. Viney, L'action en responsabilité entre participants à une chaîne de contrats, Mélanges Holleaux. 1990, Litec, p. 399 et s. ; C. Larroumet, article préc. supra, no 109), et avec satisfaction par d'autres, qui voyaient là un juste retour aux principes du code civil, mais aussi le rejet définitif de la théorie des groupes de contrats (V. not. Malaurie et Aynès, op. cit., no 700), à laquelle s'était explicitement référée la première chambre civile, dans son arrêt du 21 juin 1988 (préc. supra, no 106), et peut-être même l'anéantissement de toute la jurisprudence antérieure. Or, ce ne fut pas exactement le cas : désormais, la jurisprudence s'oriente autour de deux axes, assez nettement séparés.
Citation :
D'autre part qu'entend on par l'acquisition ne résultant pas nécessairement d'un transfert de propriété ?
Voici la chronique de pierre Jourdain:
Citation :
RTD Civ. 1991 p. 750
Le recul de la responsabilité contractuelle directe dans les groupes de contrats
Patrice Jourdain, Professeur à l'université de Paris Val-de-Marne (ParisXII)
Longtemps partagées, les différentes chambres de la Cour de cassation viennent de se réunir en Assemblée plénière pour s'accorder enfin sur la nature de la responsabilité dans ce qu'il est convenu d'appeler les « chaînes » ou « groupes » de contrats. L'important arrêt rendu le 12 juillet 1991 par cette Haute assemblée (Besse et autre c/ Protois et autre, D. 1991.549, note J. GhestinDocument InterRevues ; JCP 1991.II.21743, note G. Viney ; Rev. jurispr. dr. aff. n° 711, concl. R. Mourier, p. 583, rap. P. Leclercq, p. 590 ; Contrats, concurrence, consommation, 1991, Comm. n° 200, obs. L. Leveneur ; adde, les articles de C. Jamin, D. 1991.Chron. 257Document InterRevues et C. Larroumet, JCP 1991.I.3531 et notre propre étude à paraître en 1992) marquera au moins un net recul de la jurisprudence qui s'était montrée favorable à une extension de la responsabilité contractuelle au sein de ces ensembles contractuels.
Les positions respectives des différentes chambres en conflit sont assez connues pour qu'il ne soit pas besoin de s'y attarder trop longuement. On rappellera seulement que c'est la première chambre civile qui, non sans audace, avait pris l'initiative de généraliser les actions contractuelles directes en responsabilité entre membres d'un même groupe de contrats à partir de deux arrêts des 8 mars et 21 juin 1988 (cette Revue 1988.551, obs. Ph. Rémy, 741, obs. J. Mestre et 761 et s. avec nos obs. et 1989.74, obs. J. Mestre, 107, obs. Ph. Rémy). La troisième chambre restait quant à elle nettement en retrait, se refusant à admettre des dérogations au principe de la relativité des conventions en dehors des hypothèses où la loi et où les arrêts d'Assemblée plénière du 7 février 1986 (cette Revue 1986.364, obs. J. Huet, 594, obs. J. Mestre et 605 obs. Ph. Rémy) les avaient imposées (c'est-à-dire pour l'action du maître de l'ouvrage ou du sous-acquéreur contre les fournisseurs de matériaux de construction). Quant à la chambre commerciale, bien qu'elle n'ait jamais clairement pris position, elle ne montrait guère d'enthousiasme pour admettre une responsabilité contractuelle directe (Com. 30 oct. 1989, cette Revue 1990.290Document InterRevues), hors les cas où la troisième chambre elle-même l'acceptait (Com. 4 juin 1991, SARL La marée côtière criée c/ Société DEM et autre, Bull. civ. IV, n° 206, pour l'action d'un crédit-preneur devenu sous-acquéreur après la levée de l'option contre le fournisseur). C'est à propos de la responsabilité d'un sous-traitant à l'égard d'un maître d'ouvrage que l'Assemblée plénière a eu l'occasion de se rallier sans ambiguïté à la position prise par cette dernière.
Un maître de l'ouvrage avait confié la construction d'un immeuble d'habitation à un entrepreneur qui sous traita les travaux de plomberie. Ceux-ci s'étant révélés défectueux, le maître d'ouvrage exerça une action en responsabilité contre le sous-traitant plus de dix ans après la réception des travaux. Une cour d'appel déclara l'action irrecevable en retenant que, dans le cas où le débiteur d'une obligation contractuelle a chargé une autre personne de l'exécution de cette obligation, le créancier ne dispose contre cette dernière que d'une action nécessairement contractuelle, dans la limite de ses droits et de l'engagement du débiteur substitué. Elle faisait ainsi application de la jurisprudence de la première chambre et plus particulièrement de son arrêt du 8 mars 1988 dont elle reprenait intégralement la motivation. En conséquence, la cour permettait au sous-traitant d'opposer au maître tous les moyens de défense tirés du contrat de construction conclu entre ce dernier et l'entrepreneur principal, en particulier la forclusion décennale de l'action de la victime. Son arrêt fut cassé pour violation de la loi au visa de l'article 1165 du code civil. Après avoir rappelé dans un chapeau interne que « les conventions n'ont d'effet qu'entre parties contractantes », la Haute assemblée a justifié sa décision en observant que « le sous-traitant n'est pas contractuellement lié au maître de l'ouvrage ».
Notre première réaction est d'étonnement (relatif), car on ne s'attendait guère à ce que la plus haute formation de la Cour de cassation mît un terme au vaste mouvement jurisprudentiel de « contractualisation » de la responsabilité dans les groupes de contrats. Mouvement qu'elle avait elle-même encouragé en 1986 en prenant parti pour la première chambre dans le conflit qui l'opposait déjà à la troisième sur la nature de l'action du maître de l'ouvrage contre les fournisseurs de matériaux. Certes l'attitude plus que réservée de la chambre commerciale pouvait laisser entrevoir la possibilité d'un coup d'arrêt, voire d'un léger repli, mais l'on se fût plutôt attendu à ce qu'il intervînt quant au domaine de la responsabilité contractuelle, notamment à travers une stricte définition du groupe.
Quant à la portée de l'arrêt, deux questions se posent. La première consiste à se demander si la solution retenue sera cantonnée aux seules relations entre maître de l'ouvrage et sous-traitant. La réponse ne nous paraît guère douteuse. La rédaction de l'arrêt en termes généraux, dépassant manifestement le cas particulier du sous-traitant, invite à y voir un arrêt de portée bien plus générale. Le visa de l'article 1165 du code civil, comme le chapeau interne qui rappelle le principe de la relativité des conventions, suffisent à nous en convaincre. On observera en outre l'identité de rédaction de cet arrêt avec ceux de la troisième chambre civile qui n'a jamais limité aux seuls sous-traitant son refus de déroger à la règle de l'article 1165 (récemment Civ. 3e, 5 juin 1991, Mutuelles régionales d'assurances c/ Chever et autres, Bull. civ. III, n° 161 qui refuse de situer sur le terrain contractuel la responsabilité du locataire à l'égard d'un syndicat de copropriétaires). Il est donc vraisemblable que l'Assemblée plénière n'ait pas entendu restreindre la portée de son arrêt.
Cela conduit à s'interroger - c'est la seconde question - sur l'extension qu'il convient de donner à la solution retenue par l'Assemblée plénière. S'applique-t-elle à tous les groupes, ce qui remettrait en question les solutions consacrées par la même Assemblée plénière en 1986 ? Ou bien doit-elle être limitée à certains groupes et lesquels ?
Il ne nous semble pas que cette Haute formation ait souhaité revenir sur les acquis du droit positif qu'elle a elle-même consacrés. Il paraîtrait là encore qu'en reprenant textuellement la motivation qu'adoptait invariablement la troisième chambre civile, l'arrêt du 12 juillet 1991 ait voulu se conformer à sa jurisprudence ; or celle-ci s'est montrée respectueuse des solutions retenues par l'Assemblée plénière. En outre, l'existence d'un transfert de créance à l'ayant cause particulier - exception classique à la relativité des conventions - n'est pas remise en cause. Ce qui est seulement condamné, c'est l'action contractuelle des tiers qui ne sont pas ayants cause - les penitus extranei - ; qualité à laquelle l'appartenance au groupe ne suffit plus à faire échapper la victime.
L'Assemblée plénière réaliserait donc seulement un alignement de la jurisprudence sur la position de la troisième chambre. L'abandon de la responsabilité contractuelle directe ne vaudrait ainsi que pour les groupes non translatifs de propriété et, plus généralement, pour tous ceux qui n'emportent aucune acquisition de propriété par un autre mode tel notamment que l'accession (sur ce point, V. notre chron. préc.). Pour les autres groupes, permettant à un sous-acquéreur ou maître de l'ouvrage d'acquérir la propriété d'un bien, la loi (art. 1646-1, 1792 et 1792-4 c. civ.) et la jurisprudence des arrêts d'Assemblée plénière du 7 février 1986 devraient au contraire conserver à la responsabilité une nature exclusivement contractuelle.
L'appréciation de la valeur de la solution retenue par l'arrêt du 12 juillet 1991 demeure évidemment la plus délicate. On louera certainement sa simplicité. Juges et auteurs seront délivrés de la recherche - difficile - d'une définition du groupe de contrats et de la mise en place d'un régime propre à l'action directe en responsabilité de la victime. Ces difficultés constituaient le principal obstacle à son développement.
On regrettera pourtant que l'arrêt ne résolve pas les problèmes posés par la nature de la responsabilité des contractants à l'égard des tiers à raison de l'inexécution d'un contrat. La jurisprudence actuelle, qui s'attache à la qualité de la victime en retenant une responsabilité contractuelle lorsque celle-ci est un cocontractant du responsable et une responsabilité délictuelle lorsqu'elle est un tiers, présente le double inconvénient de mettre en oeuvre des régimes différents selon les victimes et de bafouer les prévisions contractuelles des parties. Or c'est ce qu'évitait l'application uniforme d'une responsabilité contractuelle à toutes les victimes de l'inexécution d'un contrat. On objectera peut-être que cela aboutissait à opposer le régime du contrat à des tiers qui n'y ont pas consenti, alors qu'il peut leur être moins favorable que la mise en oeuvre d'une responsabilité délictuelle. Mais un tel inconvénient ne doit pas être surestimé, car la victime conserve en toute hypothèse une action contre son propre cocontractant. En outre une extension de la responsabilité contractuelle limitée aux groupes de contrats permettait d'atténuer considérablement la portée du grief. Et pour le réduire encore, M. Aubert (obs. D. 1989.Somm. 232) avait judicieusement suggéré de n'autoriser le débiteur à opposer à la victime les limitations de responsabilité issues de son contrat qu'à la condition que celle-ci en ait eu connaissance.
Un autre défaut de la solution délictuelle est qu'elle s'accompagne de l'hypocrisie fort justement dénoncée (G. Viney, « L'action en responsabilité entre participants à une chaîne de contrats », Mélanges Holleaux, p. 398 et s. spéc. p. 407-408 ; adde P. Leclercq, rapport préc.) consistant à autoriser la victime à se prévaloir en tant que fait du contrat inexécuté pour établir la faute délictuelle du débiteur, tout en interdisant à celui-ci d'opposer les stipulations et règles qui modèlent son contrat. Une telle attitude manque singulièrement de cohérence. Car de deux choses l'une. Soit on autorise la victime à se prévaloir de l'inexécution contractuelle, mais il faudrait admettre réciproquement le débiteur à opposer son contrat, ce qui devrait conduire à reconnaître une nature contractuelle à sa responsabilité. Soit, dans une conception stricte de l'effet relatif des conventions, si l'on ne veut pas permettre au débiteur d'opposer son propre contrat à la victime, on doit reconnaître une certaine relativité à la faute contractuelle et ne consentir à un tiers le droit d'invoquer une faute du débiteur que si elle correspond à un manquement à un devoir général de prudence ou de diligence tel qu'il pouvait en résulter un préjudice indistinctement pour le cocontractant et les tiers. Or la jurisprudence, en dépit d'une référence toute formelle et d'ailleurs inconstante à cette faute « envisagée en dehors de tout point de vue contractuel », confond totalement les fautes contractuelle et délictuelle, considérant généralement que l'inexécution du contrat constitue une faute délictuelle à l'égard des tiers (V. sur ce point l'excellent rapport du conseiller P. Leclercq).
Finalement, la jurisprudence de la première chambre civile qui restreignait la responsabilité contractuelle aux seuls membres d'un groupe de contrats n'était pas dénuée d'avantages. Elle évitait les abus de l'opposabilité (par la victime) du « contrat-fait » et réalisait l'unification recherchée du régime de la responsabilité dans les cas où elle s'imposait le plus, c'est-à-dire lorsque le préjudice de la victime, quoiqu'il résulte de l'inexécution d'un contrat auquel elle n'est pas partie, correspond en même temps à la violation d'une obligation dont elle est elle-même créancière. C'est en effet cette coïncidence du dommage de la victime avec l'inexécution à la fois de l'obligation du responsable et de celle de son cocontractant direct qui justifiait le mieux le choix en faveur d'une responsabilité contractuelle.
Au lieu de cela, c'est l'aptitude de la chaîne de contrats à transférer l'action contractuelle qui devra servir de critère unique à la reconnaissance d'une responsabilité de cette nature.
Pour répondre à votre deuxième question, un bien peut être acquis dans qu'il y ait eu transfert de propriété, notamment en vertu de la règle de l'accession. Vous construisez une maison sur un terrain vous appartenant. La maison vous appartient sans qu'il n'y ait eu transfert de propriété.
Très cordialement.