Atteinte à la vie privée dans un contenu en ligne

> Pénal

Posté le Le 14/08/2023 à 08:57
Bonjour à tous,

Je me permets de poster suite à un souci que je rencontre avec mon ex copain.

En effet, il fait des spectacles humoristique (stand-up) et a inclu des passages où il fait référence à ma personne et à des éléments de notre vie intime. Je suis identifiable dans ces extraits par les faits donnés, et en plus j'y suis mentionnée avec mon prénom.
Ces extraits sont publiques sur les réseaux sociaux.

Je lui ai explicitement dit que je ne suis pas d'accord qu'il parle de moi mais cela n'a rien changé.

Que puis je faire face à cette situation ?
Est-ce une attente à la vie privée ?
Est-ce que cela tombe sous le coup de l'article 9 du Code Civil ?

Merci d'avance pour vos réponses

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Posté le Le 14/08/2023 à 09:09
Bonjour,
Personne n'est capable de répondre à une telle question, rien que pour différencier "public" de "privé".
Si vous êtes décidée à confronter la situation à l'aune de la justice, présentez vos éléments à un avocat spécialisé dans le domaine, et ceci rapidement le prescription est très courte (3 mois).

Posté le Le 14/08/2023 à 09:16
Bonjour,

Quand vous dites que vous êtes identifiable, est-ce que cela veut dire que des tiers (par exemple des gens de votre entourage) pourraient vous reconnaître ?

Sauf si votre prénom est très rare, ce n'est pas à lui seul un élément identifiable.

__________________________
Modératrice

Posté le Le 14/08/2023 à 09:35
Hello !

Même avis Reflex, votre seul prénom ne suffit pas à vous identifier de manière unique, et si vous reconnaissez dans son spectacle des détails de votre vie intime avec avec votre "ex" je dirais qu'il n'y a que vous qui les (re)connaissez. Je crois qu'il sera difficile (et pénible) d'argumenter devant la justice.

Vous pouvez toujours tenter un coup de bluff : envoyez-lui une LRAR lui donnant une semaine pour retirer les publications en ligne en question ou pour remplacer votre prénom avant que vous portiez plainte ; faîtes-le peut-être en passant par le biais d'un avocat pour renforcer le bluff (moindre coût qu'une action en justice).

Ceci dit je comprends votre désarroi de vous sentir ainsi atteinte par votre "ex".

A+

Posté le Le 14/08/2023 à 09:58
Bonjour,

Merci pour vos réponses claires et rapides.

Il contextualise avec des lieux et des périodes qui me rende clairement identifiable pour mon entourage et le sien.

Cdt

Posté le Le 14/08/2023 à 15:46
Chère Madame,

En faits.

Votre ex-compagnon exerce l'activité d'humoriste et se produit régulièrement devant un public indéterminé.

Lors de ses représentations, il livre des faits relatifs à votre vie privée et ce, en donnant votre prénom et des circonstances précises de votre vie commune passée, ce qui vous rend identifiable.

Ce spectacle a été capté et est diffusé, pour tout ou partie, via les réseaux sociaux.

Il va de soi qu'aucune appréciation n'est portée sur la réalité de vos affirmations en ce que nul, ici, ne vous connait ni n'a vu ledit spectacle.

Il s'agira donc d'une analyse à mener avec un professionnel du droit ayant accès à l'ensemble des éléments de votre dossier.

En droit.

A. Sur la notion de vie privée.

L'article 9 du Code civil prévoit que:

- Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé.

Cette disposition a été précédée par l'article 8, al. 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales visant à protéger l'intimité de la vie privée et ainsi consacrer que:
- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance.


Cette protection est absolue et ne tient nullement compte des conditions particulières de la personne concernées.

Il va de soi que la vie sentimentale des personnes est l'un des éléments de la vie privée.

B. Sur les tempéraments de notion de protection de la vie privée.

Bien que la protection soit absolue, il est possible de prévoir une libre communication d'informations protégées par l'intimité de la vie familiale dans des cas précis:

- L'autorisation donnée à un tiers.

En l'espèce, il n'apparaît pas de votre message que vous auriez donné l'autorisation à l'auteur de vous citer dans son spectacle.

- Le fait historique.

En l'espèce, cette notion est sans objet.

- La personne décédée.

En l'espèce, cette notion est sans objet.

- Le débat d'intérêt général.

En l'espèce, cette notion est sans objet.

C. Sur la notion de liberté d'expression mêlée à la protection de la vie privée.

L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit la notion de liberté d'expression.

Or, cette notion a pour limite le respect du droit d'autrui.

Ainsi, la Cour de cassation a pu se prononcer, dans un arrêt du 20 mars 2014, en estimant que:

Attendu que, pour débouter les consorts Z..., l'arrêt relève, par motifs propres ou adoptés, que les propos litigieux ont été tenus en direct dans un sketch radiophonique par un imitateur humoriste, que la scène est purement imaginaire, caricaturale, aucune confusion n'étant possible pour les auditeurs avec une émission d'information, que le recours à l'enfant n'était qu'une façon, pour l'humoriste, de brocarder M. Z..., alors président du Front national, qu'il appartient au juge de concilier la liberté de l'information avec le droit de chacun au respect de sa vie privée, que l'homme politique doit faire preuve d'une grande tolérance, d'autant plus lorsqu'il est connu pour ses positions polémiques, qu'en l'espèce M. X... s'est livré, certes en des termes outranciers et provocateurs, dans « la chronique de Laurent X... », émission à vocation comique et parodique, à une satire humoristique et caricaturale exclusive d'une atteinte à l'intimité de la vie privée, que, pour singulier que soit le choix opéré par M. X... d'utiliser la figure symbolique d'une petite-fille pour faire rire de son grand-père, homme politique, la convention de lecture inhérente à un sketch de cette nature comme la recherche d'un effet comique résultant de l'invraisemblance de la scène excluent toute atteinte à la vie privée de l'enfant, la voix utilisée n'étant pas la sienne, mais celle de M. X... et aucune information n'étant livrée sur son compte, autre que son prénom et son âge approximatif, toutes choses qui, comme son ascendance, relèvent de l'état civil, que le caractère imaginaire manifeste fait que ni les sentiments supposés de l'enfant ni le type de relations qu'elle entretient avec son grand-père ou ce dernier avec elle ne se trouvent révélés au public ;

Qu'en statuant ainsi, quand le droit de chacun au respect de sa vie privée et familiale s'oppose à ce que l'animateur d'une émission radiophonique, même à dessein satirique, utilise la personne de l'enfant et exploite sa filiation pour lui faire tenir des propos imaginaires et caricaturaux à l'encontre de son grand-père ou de sa mère, fussent-ils l'un et l'autre des personnalités notoires et dès lors légitimement exposées à la libre critique et à la caricature incisive, l'arrêt, qui relève que, si les noms de B... et de Z... n'étaient pas cités, l'enfant était identifiable en raison de la référence à son âge, à son prénom exact, à celui de sa mère Marine et d'un tic de langage de son grand-père, la cour d'appel, méconnaissant les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;


(Cour de cassation, Première chambre civile, 20 mars 2014, 13-16.829)

Ainsi, la liberté d'expression ne permet pas, y compris sous licence humoristique, de prêter tout propos à une personne rendue identifiable.

Vous m'accorderez que la lecture de cet arrêt permet déjà de savoir, sans avoir écouté la chronique, qui était concerné...

D. Sur les sanctions civiles.

Sur le plan civil, le juge peut prendre toute mesure utile à faire cesser le trouble, y compris en faisant interdiction à l'auteur de produire les passages du spectacle qui vous concernent.

Ces mesures peuvent être ordonnées en référé, si l'urgence manifeste ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Votre Avocat déterminera si les conditions d'un référé sont, ou non, satisfaites en l'espèce.

Les conditions d'une plainte pénale ne semblent, pour les éléments dont vous avez fait l'exposition, pas réunies mais sous toutes réserves de ce que vous pourriez apporter in concreto.

Là encore, seul votre Conseil sera en mesure de le déterminer.

E. Sur la question de la preuve.

Dans l'hypothèse où vous décidiez, après analyse menée par votre Conseil avec tous les éléments dont vous disposez, de faire cesser le trouble, il conviendra d'établir la preuve certaine des passages litigieux.

Il pourra être fait appel à un Commissaire de justice (ex-Huissier) aux fins de faire constater les captations faites sur les réseaux sociaux et ainsi pouvoir démontrer, de manière certaine, la teneur des propos qui y sont rapportés.

Ensuite, votre Conseil proposera, sans doute, de lui adresser une lettre valant mise en demeure de cesser ces diffusions et/ou prendre toutes les mesures utiles à vous rendre non-identifiable dans ses productions actuelles et à venir.

En conclusion, votre situation peut être considérée comme étant en violation de votre droit à l'intimité de la vie privée, sous toutes réserves des éléments de faits que seul votre Conseil pourra utilement apprécier.

Enfin, laissez-vous le temps de la réflexion avant d'engager une telle procédure.

Est-ce que les faits divulgués vous portent suffisamment atteinte pour les faire cesser et ce, y compris par la voie judiciaire, ou non?

Vous seule pouvez en juger.

Espérant vous avoir été utile et, sans préjuger de l'analyse de votre Conseil à la lecture du dossier,

Bien à vous.

A.BALDE

Posté le Le 14/08/2023 à 16:10
Le juge va trancher au cas par cas pour déterminer si les éléments en question vous rendent réellement identifiable. Je ne vous cache pas qu'il ne suffira pas d'une simple mention de lieux ou d'époque, il va falloir une certaine précision.

Pour prendre deux exemples un peu caricaturaux : "Zénobie qui régnait à Palmyre", on l'identifie sans peine ; "Marie avec qui je suis allé manger dans un restaurant parisien en 2015", c'est flou.

__________________________
Modératrice

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